J'ai découvert les originalité des noms puritains en lisant Les Chroniques d'Alvin le Faiseur d'Orson Scott Card, situées dans un dix-neuvième siècle américain rêvé. Parmi les nombreux frères du héros (il est septième fils d'un septième fils), j'avais beaucoup ri des deux jumeaux baptisés Wastenot et Wantnot, d'après le dicton Waste not, want not (l'économie protège du besoin). Mais ce n'était que le début...
Un des personnages sympathiques, tout frais débarqué d'Angleterre, s'appelle Verily, de son nom complet Verily I say unto you, Unless You become As A Little Child Ye Shall In No Wise Enter Into The Kingdom of Heaven (Matt 18:3). C'est le digne fils de Arise And Come Forth, dit Arise, et de He Wept (verset le plus court des évangiles) dite Wept.
Dans un registre nettement plus humoristique, la famille Carter du Disque-Monde de l'indispensable Terry Patchett a bien donné des noms de vertus à ses filles (Hope, Chastity, Prudence et Charity) mais s'est raté sur les garçons, pensant qu'il fallait leur donner des nom de péchés. On se retrouve donc avec cette joyeuse fratrie :
- Bestiality Carter
- Anger Carter
- Jealousy Carter
- Covetousness Carter
- Deviousness Carter
- et enfin Catastrophe Carter.
Ce qu'on s'amuse !
Du coup quand il y a un ou deux lustres je suis tombée sur Curiosities of Puritan nomenclature, de Charles W. Bardsley, je me suis fait un point d'honneur de l'acheter, et je n'ai pas regretté. Vous pouvez le lire par vous-même chez l'excellent Public Domain Review, mais un simple coup d'œil à l'index suffit à désopiler la rate.
Par exemple, il y a les prénoms de vertu. En soit, rien de très extraordinaire : Hope et Faith sont toujours donnés, quoique la troisième vertu théologale (charité) soit moins populaire. Même en français, un prénom comme Clémence ou Clément ne choque personne. Mais là on les retrouve poussé à un point qui m'a fait repenser à la Farseer Trilogy de Robin Hobb ( Cycle de l'Assassin Royal) avec ses personnages appellés Verity, Chastity, Shrewd, Serenity, Celerity, Sacrifice, Dutiful, Swift, etc.
Tororo, fidèle d'entre les fidèles lecteurs, me signale en commentaire que cette mode n'avait pas échappé à Victor Hugo. Il écrit en effet dans Cromwell, acte I scène IX :
LAMBERT soupirant
Dites leur d'approcher. Quels sont vos noms, mes frères ?
UN DES NOUVEAUX CONJURÉS
Quoi-que-puissent-tramer-ceux-qui-vous-sont-contraires-
Louez-Dieu Pimpleton.
UN SECOND
Mort-au-péché Palmer.
UN TROISIÈME
Vis-pour-ressusciter-Jéroboam d'Emer.
LORD ROCHESTER bas à lord Roseberry
Que disent-ils ?
LORD ROSEBERRY, bas à lord Rochester
Ils ont l'habitude risible
D'entortiller leur nom d'un verset de la Bible.
Ceci est à rapprocher du très historique Praise-God Barebone, qui a donné son nom au Parlement des Barebones.
[La suite au prochain numéro]