18 août 2005
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Voilà un petit moment que je n'ai pas fait la somme de mes lectures estivales, et il se trouve que j'ai beaucoup à raconter. Je vais donc y aller doucement, de façon à ne pas saturer trop vite vos méninges doucement liquéfiées par l'action émolliente de la semaine du 15 août...
Peaux de Phoque, de Veqet, est un livre rare.
C'est un livre qui parle des esquimaux (plus précidément des habitants de la Tchoukotka sibérienne), mais qui n'est pas écrit par un étranger, et surtout qui est une fiction. Vous en connaissez beaucoup, vous, des livres qui parlent du Grand Nord sans être documentaires?
Le terme de roman est sans doute peu adapté, mais il s'agit d'un conte, qui prend comme héros une famille très pauvre. En cela rien d'original, mais on constate vite que le froid rend toute chose plus dure : être pauvre, c'est comme partout avoir faim et honte, mais c'est aussi élever ses enfants enfermés parce qu'il n'ont pas d'habits pour sortir, dans une tente qui diminue de surface à mesure que les peaux s'usent, dans l'obscurité complète car l'huile est rare...
Le terme de "peaux de phoque" est un surnom moqueur, qui stigmatise ceux qui n'ont pas de peau de renne pour dormir, qui est bien plus chaude, et bien sûr les héros finissent par en remontrer à tous, et à sauver le village dans la plus pure tradition des contes de Grimm.
Pas mal du tout, vraiment.
Sprats, de David Bessis
Un petit roman sans prétention, en équilibre entre l'humour absurde et l'horreur froide, avec un argument des plus simples, mais des plus efficaces : un homme se réveille avec des tentacules qui lui poussent sur le ventre, et se retrouve emporté dans un tourbillon sans fin d'hospitalisation et de diagnostics contradictoires.
L'auteur arrive à garder en permanence une sorte de distance pince-sans-rire, qui lui permet d'écrire avec le plus grand sérieux (le héros sort emmailloté de pansements d'une opération chirurgicale ) :
Frais et distrayant, il est en outre édité par mes bien-aimées éditions Allia, pour un prix ridicule.
Les Bijoux indiscrets, de Diderot.
Excuse, lecteur, une courte digression, destinée à contextualiser cette lecture.
Quand vous allez à Guernesey en bateau, les autorités portuaires, portant l'insularisme albionesque au niveau d'art, exigent la déclaration d'à peu près tout :
C'est à hurler de rire, pas chiant pour un sou, et à vous faire regretter d'avoir négligé les cours de de langues étrangères, puisqu'un de ces bijoux est polyglotte (c'est là que Diderot case les passages vraiment licencieux.)
The Algebraist, de Iain M. Banks
Voilà un moment qu'on me parle de Iain M. Banks, auteur de science-fiction très encensé, et auteur de non science-fiction non moins encensé sans le "M.". Je me suis donc attaquée au dernier de ses romans, qui, malgré le titre, ne parle pas du tout des aventures d'un matheux au milieu d'espaces vectoriels en folie.
Or donc, nous nous retrouvons dans un monde où vivent presque sans aucun contact deux types d'espèces intelligentes: les Rapides (l'espèce humaine, et des centaines d'autres espèces allant de proches à très très bizarres), et les Lents.
Les Lents ont des espérances de vie de l'ordre du milliard d'années, un tempérament indolent, et une attitude d'incompréhension aigüe, et d'amusement méprisant envers ces Rapides frénétiques et impatients qui se multplient et s'éradiquent mutuellement avec une régulatité lassante
Banks se donne beaucoup de mal pour renouveller certains concepts éculés, à témoin le voyage supraluminique transformé en voyage à travers des "trous de vers", l'idée amusante d'une religion solipsiste intitulée The Truth, ou encore les efforts d'adaptation des conventions du dialogue littéraire appliquées à des organismes non-conventionnels.
C'est donc plein d'idées et rempli d'une sorte d'humour calme, en association avec un discours indirect libre presque systématique et très bien géré, deux choses que j'associe en général avec les polars dans le genre de ceux de Léo Malet.
Toutefois, l'ensemble ne réussit pas à emporter complètement mon enthousiasme, et je compte bien, sur l'avis d'amis bien informés, essayer quelques uns des titres précédents.
Quatre bouquins pour aujourd'hui, ça me paraît un bon début pour me remettre dans le bain blogesque.
La suite bientôt!
Peaux de Phoque, de Veqet, est un livre rare.
C'est un livre qui parle des esquimaux (plus précidément des habitants de la Tchoukotka sibérienne), mais qui n'est pas écrit par un étranger, et surtout qui est une fiction. Vous en connaissez beaucoup, vous, des livres qui parlent du Grand Nord sans être documentaires?
Le terme de roman est sans doute peu adapté, mais il s'agit d'un conte, qui prend comme héros une famille très pauvre. En cela rien d'original, mais on constate vite que le froid rend toute chose plus dure : être pauvre, c'est comme partout avoir faim et honte, mais c'est aussi élever ses enfants enfermés parce qu'il n'ont pas d'habits pour sortir, dans une tente qui diminue de surface à mesure que les peaux s'usent, dans l'obscurité complète car l'huile est rare...
Le terme de "peaux de phoque" est un surnom moqueur, qui stigmatise ceux qui n'ont pas de peau de renne pour dormir, qui est bien plus chaude, et bien sûr les héros finissent par en remontrer à tous, et à sauver le village dans la plus pure tradition des contes de Grimm.
Pas mal du tout, vraiment.
Sprats, de David Bessis
Un petit roman sans prétention, en équilibre entre l'humour absurde et l'horreur froide, avec un argument des plus simples, mais des plus efficaces : un homme se réveille avec des tentacules qui lui poussent sur le ventre, et se retrouve emporté dans un tourbillon sans fin d'hospitalisation et de diagnostics contradictoires.
L'auteur arrive à garder en permanence une sorte de distance pince-sans-rire, qui lui permet d'écrire avec le plus grand sérieux (le héros sort emmailloté de pansements d'une opération chirurgicale ) :
Vendredi 20 janvier 2014 : Je suis un saucisson.
Frais et distrayant, il est en outre édité par mes bien-aimées éditions Allia, pour un prix ridicule.
Les Bijoux indiscrets, de Diderot.
Excuse, lecteur, une courte digression, destinée à contextualiser cette lecture.
Quand vous allez à Guernesey en bateau, les autorités portuaires, portant l'insularisme albionesque au niveau d'art, exigent la déclaration d'à peu près tout :
- l'alcool (et qui se tape de compter une par une les bières rangées au fond de l'équipée la moins accessible, hein?),
- les clopes,
- la viande (uncooked meat and poultry : le jambon fumé, ça compte?),
- les légumes (comment dit-on courgette et aubergine en anglais? je vous le donne en mille : courgette et aubergine. En américain, par contre, zucchini et eggplant.)
- les articles interdits (mais encore?)
- les fourrures, l'ivoire (heureusement que la pilosité humaine ne compte pas)
- et puis, au milieu d'une énumération ad libitum dont les termes précis m'échappent : les ouvrages à caractère pornographique ou obscène.
Nous avons donc eu l'immense plaisir de déclarer à la douane, entre nos trois kilos de patates et nos vingt litres de binouze, le roman de Diderot intitulé Les Bijoux Indicrets, qui conte les aventures d'un prince exotique ayant reçu le pouvoir de faire parler les femmes par celle de leurs bouches qui ne sait pas mentir, si vous m'accordez cette licence poétique.- les clopes,
- la viande (uncooked meat and poultry : le jambon fumé, ça compte?),
- les légumes (comment dit-on courgette et aubergine en anglais? je vous le donne en mille : courgette et aubergine. En américain, par contre, zucchini et eggplant.)
- les articles interdits (mais encore?)
- les fourrures, l'ivoire (heureusement que la pilosité humaine ne compte pas)
- et puis, au milieu d'une énumération ad libitum dont les termes précis m'échappent : les ouvrages à caractère pornographique ou obscène.
C'est à hurler de rire, pas chiant pour un sou, et à vous faire regretter d'avoir négligé les cours de de langues étrangères, puisqu'un de ces bijoux est polyglotte (c'est là que Diderot case les passages vraiment licencieux.)
The Algebraist, de Iain M. Banks
Voilà un moment qu'on me parle de Iain M. Banks, auteur de science-fiction très encensé, et auteur de non science-fiction non moins encensé sans le "M.". Je me suis donc attaquée au dernier de ses romans, qui, malgré le titre, ne parle pas du tout des aventures d'un matheux au milieu d'espaces vectoriels en folie.
Or donc, nous nous retrouvons dans un monde où vivent presque sans aucun contact deux types d'espèces intelligentes: les Rapides (l'espèce humaine, et des centaines d'autres espèces allant de proches à très très bizarres), et les Lents.
Les Lents ont des espérances de vie de l'ordre du milliard d'années, un tempérament indolent, et une attitude d'incompréhension aigüe, et d'amusement méprisant envers ces Rapides frénétiques et impatients qui se multplient et s'éradiquent mutuellement avec une régulatité lassante
Banks se donne beaucoup de mal pour renouveller certains concepts éculés, à témoin le voyage supraluminique transformé en voyage à travers des "trous de vers", l'idée amusante d'une religion solipsiste intitulée The Truth, ou encore les efforts d'adaptation des conventions du dialogue littéraire appliquées à des organismes non-conventionnels.
C'est donc plein d'idées et rempli d'une sorte d'humour calme, en association avec un discours indirect libre presque systématique et très bien géré, deux choses que j'associe en général avec les polars dans le genre de ceux de Léo Malet.
Toutefois, l'ensemble ne réussit pas à emporter complètement mon enthousiasme, et je compte bien, sur l'avis d'amis bien informés, essayer quelques uns des titres précédents.
Quatre bouquins pour aujourd'hui, ça me paraît un bon début pour me remettre dans le bain blogesque.
La suite bientôt!