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24 septembre 2005 6 24 /09 /septembre /2005 00:00
Traité d'athéologie, de Michel Onfray

Michel Onfray est au livre ce que Bernard-Henry Lévy est à la télé : un philosophe emblématique et tourné vers le public. Par exemple, il a un site officiel très bien fait, ce qui n'est pas, croyez-moi, monnaie courante chez les philosophes...

Je connais très mal BHL, et je ne connaissais pas du tout Onfray avant de piquer ce pavé (1) à mon colocataire : j'ai donc lu ce tout nouveau Traité d'Athéologie, Physique de la métaphysique sans a priori si ce n'est un intérêt certain, puisque mon côté bouffe-curé n'est plus à démontrer (2) et qu'on est toujours ravi de se faire caresser dans le sens du poil ou de trouver des gens connus qui pensent comme soi.
J'ai été assez décue, mais d'une façon suffisamment subtile pour nécessiter une explication détaillée : vous pardonnerez donc la verbosité de cette note, j'essaye juste de me faire comprendre

Pour ce qui est de la forme, on remarque une tendance certaine à faire de la formule choc à tout propos, certaines fois bien à propos, d'autres beaucoup moins. Quelques exemples :

Le monothéisme sort du sable.

Dieu est mort?[...]Qui a vu le cadavre?

Il manque au philosope de Sils-marra son Paul et son Constantin, son voyageur de commerce hystérique et son empereur planétaire.

Il prend aussi un malin plaisir à être aussi abscons que possible, ce qui est tout de même paradoxal quand on se veut un philosophe grand public. C'est vrai, quoi, ataraxie, bétyle ou hypostase ne font certainement pas partie du vocabulaire courant du vulgus pecum que l'auteur feint de vouloir convaincre.
Loin de moi l'idée de vouloir réduire son lexique à 500 mots sous prétexte de le rendre accessible, d'autant que tous les mots que je viens de citer sont dans le Petit Robert, mais je trouve qu'un lexique aurait été la moindre des choses.

Edit : J'ai remis la main sur mes notes, et j'ai de quoi étayer mes opinions. Vous pouvez ajouter quelques entrées  à ce très nécessaire lexique  :
histrionisme, érysipèle, pilariose, hémoroïsse, amaurose, anosmie, mélisme, éviration, anaphore, ethnarque, eumonien, montaniste, plurivocité, excipé, apodictique, récipiscence, uxoricide
....


Cela dit, on trouve dans ce déluge continu de pédanterie un certain nombre de références bibliographiques intéressantes et détaillées, qui donnent envie d'aller lire dans le texte Jean Meslier, abbé athée et anticlérical sous Louis XIV (3), ou encore
Cristóvão Ferreira, jésuite parti au Japon auteur d'un pamphlet incandescent contre le catholicime.

Il y a aussi quelques anecotes amusantes égrenées au fil des pages, comme l'histoire de l'empereur romain qui continua de régner après sa mort parce que, effrayés par la perspective d'une succession mouvementée, les ministres continuaient de faire leur rapport à son cadavre...
Ou encore :
Stercorius, Crépitus et Cloacine chez les Romains, respectivement divinités des ordures, du pet et du fumier.
Si non e vero, e bene trovato...

Mais ni le style pénible ni les anecdotes divertissantes ne sont de beaucoup d'importance. Ma principale critique envers ce livre est tout simplement que le raisonnement utilisé ne me paraît pas recevable. Il confond avec complaisance la critique des religions et l'athéisme, et en tire des conclusions mal dégrossies et insatisfaisantes. Il utilise sa propre conviction athée  comme une évidence d'une façon qui rappelle un peu ceux qu'il attaque.
Son attaque virulente contre la religion prétend démontrer l'athéisme alors qu'elle ne saurait soutenir que la laïcité (dans un système) et l'agnostisme (pour un individu). C'est récurrent, et d'autant plus irritant que je refuse de croire à la bonne foi de l'amalgame : ce mec a l'air de savoir suffisemment réfléchir pour comprendre ce qu'il écrit.

Au lieu du traité grand public et pédagogue que nous promet le titre, il nous donne un pamphlet pédant et démagogue. C'est d'autant plus dommage que j'aurais vraiment aimé en recommander la lecture, mais tel qu'il est, il peut être exploité (biblios en particulier), mais, à mon avis, pas apprécié.

Si quelqu'un a aussi lu cet ouvrage, et n'est pas d'accord avec mon (humble) analyse, je serais ravie d'en discuter. De même, si on peut me conseiller un autre livre d'Onfray, je voudrais bien essayer d'aller au-delà de cette première impression : encore une fois, je ne suis ni philosophe ni exégète, alors ne me croyez pas sur parole, et si ça vous intéresse, lisez-le! (4)



(1) Je dis pavé par principe, mais j'oublie toujours que les livres grand format sont en fait écrits très gros, et que cela tiendrait aussi bien dans un poche.
Conclusion : achetez des poches, ça coûte moins cher, c'est plus facile à lire dans le métro, ça prend moins de place sur l'étagère et en plus ça coupe moins d'arbres.

(2) Comme le savent ceux qui me lisent depuis un moment. Voir par exemple.

(3) L'auteur de cette impérissable phrase :
« Je voudrais, et ce sera le dernier et le plus ardent de mes souhaits, je voudrais que le dernier des rois fût étranglé avec les boyaux du dernier prêtre. »
D'autres citations disponibles ici.

(4) Des extraits de la première partie sont disponible sur cette page.


NB : Mon illustration ne reprend pas la couverture car je n'ai pas trouvé d'image satisfaisante : le fond noir sort très mal. J'ai donc remplacé par le tableau qui y est représenté, le combat de Jacob avec l'ange, par Delacroix.

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commentaires

C
Michel Onfray déclenche les polémiques.<br /> Un (long) exemple :<br /> http://www.oekoumene.com/article.php?id_article=24
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D
<br /> <br /> Note 3<br /> Vous citez Meslier inexactement et vous lui attribuez une formule qui n'est pas de lui.<br /> <br /> Pour le vocabulaire que vous ignorez, il va de soi, qu'à partir d'un certain niveau de discussion, il faut tout de même utiliser quelques termes technques.<br /> <br /> Et , tout, de même histrionisme, ataraxie, anaphore sont d'usage courant pour celui qui dispose du SMIC (Savoir MInimum Conseillé). Je ne parle pas d'érysipèle.<br /> <br /> Sur le curé Meslier, j'ai quelque chose qui se trouve sur le net (Courage du curés Meslier) sans « gros mots  » comme disent les Africains pour parler des mots compliqués. Amitiés.<br />
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A
Vous me dites que ma citation est erronnée : auriez vous l'amabilité d'indiquer vos source, de façon à ce que je puisse la corriger?"Pour le vocabulaire que vous ignorez, il va de soi, qu'à partir d'un certain niveau de discussion, il faut tout de même utiliser quelques termes technques."Par ailleurs, vous m'interprêtez mal : je n'ai pas dit que je les ignorais...Je n'ai pas de problème particulier avec les mots cités (sauf  montaniste), les racines étant souvent transparentes. mais voulez-vous vraiment soutenir que uxoricide et anosmie sont nécessaires au débat sur la théologie? Puh-lease... Et quand bien même, je considère civil et didactique de fournir une explication pour les mots absents du Petit Robert.Le site dont vous parlez semble correspondre à http://perso.wanadoo.fr/jccabanel/th_le_courage_du_cure_meslier.htmoù il est dit que reprenant une formule déjà en usage avant lui, notre bon curé aspire au jour où l’on étranglera le dernier roi avec le boyau du dernier prêtre.En quoi cela contredit-il ma citation?
D
Merci :)<br /> (italien ? Bah, italien, latin, chinois, japonais, letton: c'est de l'Étranger ^^ Ahem)
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D
«Si non e vero, e bene trovato»<br /> <br /> Heu, et ton lexique à toi ? Tout le monde n'a pas étudié un cadavre de langue.<br /> [Edit d'Abie] : Voyons, la langue italienne se porte comme un charme!<br /> Ça veut dire : "Si ce n'est pas vrai, c'est bien trouvé", et c'est la seule phrase de la langue de Dante que je maîtrise avec  "Peccato che non sia peccato" en parlant d'un gateau par exemple : "Dommage que ce ne soit pas un péché" , parce que ce serait encore meilleur...<br />
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W
Mince, mon comm n'a pas marché! obligée de le retranscrire!<br /> Sur! ça je note et je trouve! Merci de nous dépiauter le truc avant! C'est vraiment sympa de nous déblayer le chemin littéraire, y a tellement de mauvaises herbes et de brousailles! lol<br /> Bises
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Edito

Soyez les bienvenus sur ce petit blog sans ligne éditoriale fixe, qui échoue à mourir depuis 2005.
La fréquence de mise à jour se veut quotidienne au mieux (par ce que je suis de nature optimiste), trimestrielle au pire (parce que je suis velléitaire bien plus encore).

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Ordo Ab Chao