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12 janvier 2007 5 12 /01 /janvier /2007 09:29
Il y avait un dossier de ce nom sur France Info ce matin. Allez écouter les reportages en ligne si ça vous dit.
En vrac et sans beaucoup de mise en forme, plusieurs remarques :

(1) C'est quoi ce titre à la con?
"Les impôts comment ?", passe encore, mais "pourquoi?" c'est un petit peu prendre les gens pour des cons au mieux, ou de la propagande ultra-libérale au pire.
D'ailleurs un peu plus loin, un expert est intérrogé  pour répondre à cette fabuleuse question
Un état sans impôt, est-ce possible ?
La réponse ne se fait heureusement  pas attendre : c'est non, et l'expert avance la solidarité, les services publics comme l'école, etc...
Mais n'oublions pas qu'il existe des personnes pour qui la solidarité est une idée de dangereux communistes, qui ne voient pas à quoi sert l'école publique - d'ailleurs leurs gosses sont dans le privé - et sur qui ces arguments glissent comme de l'eau sur un canard.
Plus simplement sans imôt, il n'y a pas d'État.
Pour avoir un président de la république, par exemple,  il faut
1/ l'élire (acheter des urnes, des panneaux d'affichage, tenir à jour des listes électorales)
2/ le payer (même au SMIC, notez bien) vu que c'est un travail à plein temps
3/ lui donner des moyens d'action exécutifs, par exemple la police et l'armée.
Difficile de faire plus de droite que l'idée de la nécessité de l'armée et du maintien de l'ordre, ma bonne dame, hein?
Ben oui, ça aussi, ça coûte des pépettes, tout pareil que ces feignants de profs.
De la même façon, si on veut que les lois défendues par les forces de police soient légitimes, il faut louer un hall dans lequel on pourra faire tenir des représentants élus  (Assemblée Nationale et Sénat), et si on veut que le pouvoir local existe, il faut lui donner des moyens (impôts locaux).
Parce que même en Safrane, rouler sur une route entretenue a des avantages.
Morale de l'histoire : bien que l'impôt en lui-même n'ait rien de démocratique dans son origine, il ne peut pas exister de démocratie sans impôt.
Bon.

(2) Tiens d'ailleurs pour l'anecdote, j'ai eu le plaisir de voir successivement mon colocataire et mon paternel envoyer bouler un télédémarcheur qui voulait leur vendre des montages financiers, sur le thème de "Non, monsieur, ça ne m'intéresse pas de payer moins d'impôts. Non. Non. Si, monsieur, je suis content de payer des impôts", ce qui a tout de même plus de panache que "je ne vois pas exactement avec quel argent je pourrais faire ça...", ce qui aurait été tout aussi vrai.

(3) La journaliste qui présentait les interviews a un peu fatigué sur la fin :
"Est-ce que la fiscalité ne nuit pas d'une image trop complexe?"
Euh... Et en français?
Ceci dit, c'était en direct, il faut être donc indulgent avec les constructions de phrase à la volée...

(4) Il était dit que ces pauvres Français ont du mal avec l'impôt sur le revenu parce qu'il sert à payer les intérêts de la dettes.
Alors, arrêtez-moi si je divague, mais cette formule, souvent utilisée par les journalistes, me paraît un raccourci hâtif. Il se trouve que l'impôt sur le revenu est en fait faible au regard des cotisations sociales et surtout de la TVA. Et que son montant équivaut à peu près à l'intérêt de le dette. Mais je ne crois pas que ce soit autre chose qu'une coïncidence, et si la formule induit les gens en erreur, c'est aux médias d'être plus clair.

(5) Il a  aussi été dit que les impôts locaux sont parmi les plus impopulaires (sans doute parce qu'ils augmentent beaucoup ces temps-ci), entre autres parce que les gens ne connaissent pas leurs destinations, et à quoi ils servent. 
Mais bon sang de bon dieu, les gens n'ont qu'à bouger leur graisse! Le bilan des dépenses d'une mairie est *public*, en général affiché à la mairie, voire publié dans le journal local payé à prix d'or pour arriver dans toutes les boîtes aux lettres !
Alors au lieu de l'envoyer directement à la poubelle*, lisez-le un peu, pointez vous aux délibérations du conseil municipal, pesez le pour et le contre de chaque choix budgétaire, et surtout, surtout, arrêtez de geindre !
Ah.. ça va mieux...
*(ce que je fais, juste après avoir lu la bd de Cabu, hein, je ne prétend pas être meilleure que les autres)

(6)
Il y a avait aussi une interview de Jean-François Copé, porte parole du gouvernement, et qu'à ma grande honte j'ai récemment confondu avec François Coppée. Il répondait à quelque chose émis par Hollande au sujet d'une augmentation  d'impôts pour les couples gagnant 8000 euros par mois (sans enfants).
Pour commencer, Copé ramène ça à 4000 euros par mois et passe à la trappe le "sans enfants" : comme si un couple DINK à 8000 euros et un parent seul à 4000 euros avec un ou deux gosses étaient comparables fiscalement... 
Or, d'une part, tout le monde sait bien que la vie en couple permet de faire des économies d'échelle très sensibles (en particulier pour le logement), et d'autre part la progressivité de l'impôt rend, me semble-t-il, caduque cette division cavalière. Mais passons.
Edit : Apparemment Hollande parlait des gens qui gagnent 4 fois le Smic, le couple n'étant qu'un exemple, donc oubliez les deux derniers paragraphes.

Il continue en disant que cette proposition de Hollande,
ça donne une image de notre pays du côté gauche de l'échiquier qui est très archaïque.
Ah ouais?
Archaïque comment? Taxer les riches, c'est vieux? Pourtant Vauban en son temps s'est bien retrouvé en disgrâce avec son Projet d'une dîme royale pour avoir osé suggérer que le roi aussi paye des impôts. Taxer les pauvres, c'est bien plus Ancien Régime qu'autre chose.
Plus loin, Copé parle d'une gauche vieille de deux cents ans qui voit le monde d'une manière manichéenne entre les gentils et les méchants, les pauvres et les riches.
Je me contenterais de rappeller que cette dichotomie, qui n'est effectivement pas neuve, n'a pas été inventée par la gauche... "Classes laborieuses, classe dangereuses" ça vous dit quelque chose? La conscience de classe, comme disent les groupuscules gauchistes, c'est quelque choses qu'ont eu les "riches" et leurs idéologues bien avant les pauvres, ce me semble...

Cette approche archaïque, donc, mène à la fuite des très riches dissuadés de payer les impôts français et...
Sur qui ça retombe? sur les classes moyennes, c'est- à-dire les gens qui bossent.
Attention c'est du lourd (et encore je n'ai pas transcrit l'intonation). Parce que quand on ne gagne que 1500 euros, on ne travaille pas, on s'amuse? 
Il faut vraiment qu'il fasse attention aux mots qui sortent de sa bouche quand ses lèvre bougent, surtout pour un porte-parole...

Ensuite, le journaliste lui conteste la qualification de "classes moyennes" en avançant le chiffre que 80 pourcents des salariés gagnent mois de 2000 euros par mois"  (Hollande n'a pas choisi le chiffre au hasard j'imagine).
Copé dit alors qu'on lui avait déjà posé la question auparavant et qu'il y a répondu en disant
"qu'on pouvait considérer  comme classe moyennes ceux qui gagnent entre 1000 et 4000 euros par mois".
Donc quand il proteste contre une proposition de Hollande au sujet de ceux qui gagnent plus de quatre fois le smic, prétendre défendre les classes moyennes est une menterie en suivant sa propre définition ! (ou alors il ne conteste la proposition que pour ceux qui gagnent 4000 pile, et l'approuve pour ceux qui gagnent 4100 euros...)

Pour conclure, on lui demande :
Vu le montant de la dette est-il bien raisonnable de continuer à baisser les impôts?
Copé répond, après une cironvolution expliquant que les réductions d'impôts redynamisent l'économie :
Ce qui est très important c'est que quand on baisse les impôts on doit aussi baisser la dette.

Ha. Et comment? en réduisant les dépenses publiques deux fois plus vite que les impôts?
Rappellons que depuis 2002, le programme de baisses d'impôts de Chirac a été (plus ou moins) appliqué tandis que la dette publique passait de 58 à 65% du PIB en 2005, soit plus de 200 milliards d'euros en valeurs absolue (source : Wikipédia).
Moi j'appelle ça du foutage de gueule.

Je vais vous laisser reprendre votre souffle après cette dissection assez longue : je m'arrête donc là.



Sur la très difficile question  de la définition des classes moyenne (même ceux qui gagnent 10 000 euros par mois ne se considèrent pas riches parce qu'ils fréquentent des gens qui gagnent le double et qu'ils envient... ainsi va la nature humaine), je vous conseille un excellent article d'Alternatives économiques intitulé : Richesse et pauvreté, état des lieux. Un extrait pertinent sur la question qui nous occupe ici :

Chacun met ce qu'il veut dans les « classes moyennes », en fonction de sa vision de la société, et de son intérêt. Le Cerc préfère utiliser le terme de « médians » : il situe cette tranche de population au-dessus des 40 % les plus démunis et au-dessous des 40 % les plus aisés, soit 20 % de la population. Si l'on prend une définition un peu plus large, incluant tous ceux qui se situent au-delà des 30 % les plus démunis et en dessous des 30 % les plus riches, on rassemble 40 % de la population et des revenus qui s'étendent de 980 à 1 300 euros pour les personnes seules, de 1 800 à 2 500 euros pour les couples, et de 2 500 à 3 400 euros pour les familles avec deux enfants en bas âge (5).
Mais dans le langage médiatique habituel, la notion de « couches moyennes » se rapporte plutôt aux ménages dont la personne de référence est médecin, ingénieur ou cadre et dont le conjoint travaille, souvent dans une profession analogue. Ces ménages peuvent ainsi faire partie en réalité du dixième (ou du cinquième) le plus favorisé de la population, avec un revenu disponible par personne supérieur à 3 000 euros. C'est ainsi que Louis Chauvel (6), constatant le flou du terme « classes moyennes », souligne que « le même mot tend à définir des groupes sociaux dont le niveau de revenu peut varier du simple au quadruple ».



Pour conclure, il se peut que certains d'entre vous, lecteurs, ont pensé en lisant ce post "mais qu'est-ce qu'elle raconte ? on voit bien qu'elle n'y connaît rien ! ".
Je ne peux qu'y souscrire : je suis fort peu compétente en économie (que M. Benani, mon prof de SES de seconde me le pardonne) et si j'ai dit des horreurs, je serais ravie d'être éclairée.

Par ailleurs, si quelqu'un a une idée d'illustration qui ne soit ni une feuille d'impôts ni un billet de banque, qu'il parle.



Edit 18/01 : Dans le Canard  Enchaîné d'hier, Copé se fait dézinguer à l'artillerie lourde, et c'est bien mérité.
Il disait qu'un professeur certifié en fin de carrière gagnait 4100 euros net, dommage, c'était 2700 euros. Bah, l'équivalent de 10 000 francs de différence, c'est une paille!
Idem pour le conducteur de train...
L e foutage de gueule est encore plus constitué que s'il avait fait des approximations : ici il a utilisé des chiffres qu'il savait forcément complètement faux ! Screugneugneu !
Bon au lieu de m'énerver, je vous laisse aller lire le-dit Canard, ce sera plus simple.
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commentaires

M
Pour s'initier à l'économie ou plutôt découvrir qu'il existe des options politiques en économie, les Parisiens ont une veine extraordinaire : ils sont sous le flux de "Aligre" 93.1 , une vraie radio associative qui diffuse chaque semaine l'émission  Des sous... et des Hommes. C'est le mardi, entre 9:30 et 10:00.   Chaque semaine participe un invité, qui a son mot à dire. <br /> Ceux de la province ou ceux qui ne peuvent écouter en direct peuvent aller sur le site qui regorgent d'archives sonores (et même des transcriptions des émissions).               <br /> http://dsedh.free.fr/kaleidoscope.htm            http://dsedh.free.fr/emissions_passees.htm          http://dsedh.free.fr/bibliographie.htm
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Edito

Soyez les bienvenus sur ce petit blog sans ligne éditoriale fixe, qui échoue à mourir depuis 2005.
La fréquence de mise à jour se veut quotidienne au mieux (par ce que je suis de nature optimiste), trimestrielle au pire (parce que je suis velléitaire bien plus encore).

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