Aujourd'hui 13 mars, c'est la Journée mondiale contre l'endométriose, une maladie extrêmement douloureuse qui touche une femme sur dix.
À cette occasion le dessinateur Martin Vidberg a collaboré avec sa femme pour faire une petite bande dessinée témoignage.
Cette histoire a suffisemment tourné sur les réseaux sociaux pour que mon propre frère m'envoie le lien, et laissez-moi vous dire que connaissant sa nosophobie notoire vis-à-vis des maladies viscérales, a fortiori gynécologiques, ça veut dire quelque chose. Je me suis donc retrouvée à lui faire une réponse-fleuve, et ça a fini par ressembler à un article de blog.
Ouvre tes esgourdes, frangin, et garde en tête que toute cette colère n'est pas liée à mon histoire, même s'il m'est plus simple de donner des exemples personnels : là-dessus, ta sœur a plutôt eu de la chance. Et pourtant ça a suffi à t'horrifier. Alors pense aux autres.
Comme l'explique la BD, la question de l'endométriose fait partie d'un tableau plus large.
- un peu mal : on lui dit que c'est normal
- assez mal : on lui dit que c'est normal
- très mal / elle vomit / s'évanouit : on lui donne du Spasfon.
Du coup, si la gamine a encore mal après ce placebo, c'est sûrement juste parce qu'elle est stressée hein ?
(Trouve-moi une ado qui n'est pas au moins un peu stressée).
Mais bon sang de bon dieu, quand bien même ce serait le cas, est-ce une raison de ne pas traiter la douleur somatique ?
La dysménorrhée touche entre la moitié et deux tiers des jeunes filles. Tous les mois, ou une fois sur deux. Celles qui ont de la chance voient leurs douleurs régresser avec le temps, ou la pilule.
Quid des autres ?
Mais même pour celles-là, ce n'est pas fini pour autant, après il y a la dysménorrhée un peu différente des femmes plus agées : mastodynies (je ne suis pas près de me mettre au jogging), migraines atroces...
Le message général, c'est qu'on doit se résigner.
Il a fallu que je vomisse de mal de crâne devant une copine médecin pour qu'elle me dise que ce n'était pas "normal" (même si peut-être courant) et qu'elle aille m'acheter de la codéine au milieu de la nuit. Quand elle m'a donné le tube, j'en aurais chialé de soulagement.
Le seul truc qui avait marché, avant ça, c'était un suppositoire belladone-codéine, acheté en catastrophe par mon copain à la pharmacie (sans ordonnance, la pharmacienne a dû avoir pitié) lors d'une de mes pires crises, parce que SOS Médecins ne se déplace pas pour de simples douleurs menstruelles. Ce médicament a depuis été retiré du marché.
Il y a aussi d'autres conséquences médicales à répéter à des filles qui se tordent douleur que c'est normal, ou pas grave, ou dans leur tête.
Il y a quelques mois, j'ai eu une pyélonéphrite (tu sais, le truc qui est censé te faire douiller ta race) pas exactement piquée des vers blancs.
Si j'ai mis trois jours à la signaler, c'est qu'elle me faisait au final moins mal que beaucoup de mes règles, et que même moi avec ma grande gueule j'ai intégré l'idée que si ça ne fait que mal, c'est sûrement normal.
Pourtant, par tempérement, j'aurais plutôt tendance à m'écouter un poil trop, alors ça me fait franchement frémir pour les autres, les pas diplômées, les timides, les gamines...
Bon sang, il y a des retards significatifs de traitement de l'appendicite pour ces mêmes raisons !
Si on traitait correctement les douleurs gynécologiques (en particulier chez les jeunes filles, qui sont les plus touchées et les moins à même de taper du poing sur le bureau du médecin), on remarquerait celles qui sont réfractaires au traitement, et au lieu de les traiter de folles on pourrait soigner leur abomination d'endométriose avant qu'elle ne leur troue les intestins.
Bordel.
Disclaimer :
Je sais que le métier de médecin est tout sauf facile, mais je trouve qu'il y a une différence entre ne pas être au point sur le traitement d'un syndrome improbable et s'enferrer dans des pratiques paternalistes à la limite du mensonge.
Il faut dire qu'en tant que corporation, les gynécologues français ont une furieuse tendance à camper sur leurs positions en dépit de toutes les données disponibles (cf. la pose de stérilet chez les nullipares).
Allez, anecdote bonus :
Quand je me suis fait poser un stérilet, j'ai dégobillé tripes et boyaux pendant environ une demi-heure, et il m'a fallu une demi-heure de plus pour tenir assise. On va dire que le retour en métro a été compliqué. Commentaire des professionnelles de santé (assistantes ? infirmières ?) « Mais, pourquoi n'avez-vous pas quelqu'un pour vous raccompagner ? »
Parce que semble-t-il que le degré de douleur post-procédure n'est pas une information pertinente, et que personne ne m'avait prévenue...